Paradisiaque, oui ! Je me souviens du premier mot que j’avais écris a Philip il y a près de 30 ans à mon arrivée a Saint Domingue, j’avais rapidement repris mon stylo pour changer d’avis et d’horizon, ces maisons colorées par la rouille, ces gosses chahutant pieds nus dans la terre, ces femmes allaitant leur nouveau née en espérant un avenir meilleur que le leur, autant de détails qui m’ont persuadés de rester dans ce pays qui pourtant ne sera jamais le mien. Pourquoi me remémorer tant de moments me demanderas-tu ? Pourquoi maintenant et pourquoi les partager avec toi qui es celle que j’ai fait le plus souffrir ? A vrai dire, je l’ignore seulement voilà, je prends du recul, sans ironie je dirais que s’est dû à l’âge .Je ne m’excuserai pas, j’ai trop d’orgueil à mon goût mais c’est en voyant Emmanuelle notre nouvelle recrue de 26 ans, brune aux yeux marrons, taille moyenne, sourire ravageur et d’une tendresse apaisante, en la regardant hier charger les sacs de couvertures avec Jeff qui lui est à mes côtés depuis 8 ans que j’ai pensé à toi ,à nos moments passés ensemble,à ta force de caractère déjà à 9 ans ,à la dureté de ton regard et à ta douceur d’enfant .Tu te souviens de Emio ? Le fis de Maria, tu sais, la petite maison sur lequel tu as dessiné un soleil avec Matthieu .Je l’ai revu samedi dernier, il est venu me présenter ses adieux, il a trouvé du travail, Matthieu l’a appuyé pour un poste d’assistant à 40 km d’ici ,n’ayant plus la vielle Jeep que tu aimais tant charrier , je ne suis pas prête de lui rendre visite .Je ne vais pas commencer l’énumération des personnes qui ont disparues ou qui sont toujours à les côtés ,cela risquerait de t’ennuyer et ne serait pas le bienvenue dans cette lettre .
Sinon que te dire à part te demander des nouvelles sur ta vie et celle de Philip, tu dois avoir tellement changé !
Je comprendrais que tu refuses de répondre à cette courte lettre mais, dans ce cas, je ne te demande qu’une seule chose, de conserver la mienne.
Je t’embrasse